mal logement

A chacun ses problèmes, ici et là-bas, dans presque tous les domaines. Si le droit au logement décent figure dans un grand document international comme la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen » (10 décembre 1948), beaucoup de personnes dans le monde rêvent encore d’avoir un toit au-dessus de leurs têtes. Cependant, ce besoin, si élémentaire et indispensable pour leur vie quotidienne, est considéré comme un luxe au point que les conditions pour y accéder sont souvent difficiles.

En Haïti, pas de politique de logement, malheureusement. Ce n’est peut-être pas une priorité du gouvernement. La question du logement est une affaire exclusive du secteur privé. Ce qui provoque une grande irrégularité au niveau des prix des loyers dans le pays. Cette situation, qui sévissait déjà depuis longtemps dans le pays, se voit s’empirer au centuple après le séisme du 12 janvier 2010 qui a frappé le pays de manière catastrophique et désastreuse. Plusieurs personnes dorment encore sous des ajoupas (petite hutte construite sur des pieux, constituée de branches, des feuilles ou de jonc); d’autres sous des tentes qui leur étaient distribuées par des ONGs dans le cadre d’une phase d’urgence post-sismique.

Mais l’un des côtés les plus sombres des logements en Haïti se trouve plus particulièrement dans certaines villes de province et surtout dans certains quartiers populaires de la capitale. Il s’agit du phénomène de la promiscuité. Celui-ci s’explique par le fait que bon nombre de familles vivent dans une seule pièce multifonctionnelle. Autrement dit, à elle seule, cette pièce qui héberge parents et enfants, est la chambre à coucher quand tombe la nuit ; elle est la cuisine lorsqu’il faut cuisiner ; la salle à manger aux heures des repas. Une situation qui s’aggrave lorsque parfois il n’y a qu’une douche et une toilette de disponible sur la cour pour plusieurs petites pièces pareilles hébergeant chacune une famille. Les chiffres nous manquent malheureusement pour une telle édition de la Minute Haïtienne, mais les différents problèmes auxquels font face les haïtiens dans le domaine du logement sont légion. Les premiers qui nous viennent à l’esprit peuvent être résumés ainsi :

  1. Absence d’une politique de logement dans les priorités des gouvernements ;
  2. Insuffisance de logements décents ;
  3. Prix exorbitants des loyers pour le peu de logement décent existant ;
  4. Montée vertigineuse des logements bidon ;
  5. Absence des services d’assainissement dans 75% des logements ;
  6. Problème d’électricité et d’eau potable ;
  7. Taux de chômage exagéré ;
  8. La décote vertigineuse de la monnaie haïtienne (la gourde) ;
  9. Problème de promiscuité alarmante dans les logements.

Ces problèmes, parmi tant d’autres, se départagent la situation du logement en Haïti. Des efforts moyens ont été consentis par différentes instances du pays (ONGs, Fondation, et le gouvernement) pour améliorer légèrement la situation. C’est le cas, par exemple, de l’Unité de Construction de Logements et des Bâtiments Publics (UCLBP) et de l’Entreprise Publique pour la Promotion des Logements Sociaux (EPPLS).  C’est le cas également de la Fondation Haïtienne pour le Relèvement et le Développement (FHRD) qui, suite au séisme, s’est mise à travailler durement pour la construction de logements sociaux dans la commune de Croix-des-Bouquets, particulièrement dans la section communale de Lilavois. Ces derniers sont au nombre de 200 environ et regroupés dans des villages (Colombe, Montebelluna, Colombie et Scalabrini).

Au lendemain de la catastrophe du 12 janvier 2010, la situation du logement en Haïti était telle que le prix des loyers, même d’un logement bidon dans des quartiers populaires et défavorisés, a triplé. L’initiative FHRD était porteuse d’espoir et se voulait exemplaire dans le pays, en offrant à des bénéficiaires victimes du séisme des logements de deux chambres ou de trois chambres à coucher et d’un salon-séjour (avec galerie, toilette et petite salle de bain) pour 10 000 gourdes chaque 6 mois (l’équivalent de moins de 200 USD, à l’époque), avec, en plus, un avantage pour le moins exceptionnel : être propriétaire au bout de 10 ans accomplis, après paiement seulement d’environ 25% du coût réel d’un logement. Ce qui permet d’expliquer aisément le nombre de demandeurs qui font la queue sur la cour de la FHRD en vue de s’inscrire gratuitement dans le programme de logements de la Fondation. A titre d’exemple, pour sélectionner 72 bénéficiaires pour le village Colombie, le bureau a lancé une semaine d’inscription et des centaines de personnes défilaient chaque jour sur la cour espérant leur tour d’être inscrites. Bilan de la semaine : 1500 familles inscrites.

Nous nous permettons de retourner sur le premier des problèmes qui ont été listés en précédence. L’absence de l’Etat dans les questions du logement et du bâtiment n’est pas sans conséquence majeure sur le mal logement. Beaucoup d’endroits qui devraient être réservés comme patrimoine naturel du pays se retrouvent aujourd’hui avec plusieurs maisonnettes, chaumières, ajoupas, voire tentes, habités par des gens dont la majorité vit dans des conditions misérables. Par voie de conséquence, il ne faut pas s’étonner de voir chez nous une ou plusieurs constructions anarchiques sur les bassins versants, et mêmes à une proximité étonnante du lit de certaines rivières et des ravines. Aucune instance de l’Etat n’a pris de mesure pour freiner cette hémorragie environnementale. Absence de lois y relatives ou faiblesses de celles existantes ou tout simplement leur non-application? Absence de mesures coercitives ou nonchalance des gouvernants face à leurs responsabilités ? Quels que soient les facteurs à la base de ce problème, la question de la propriété privée est l’un des éléments forts qui devrait constituer la toile de fond de toute analyse de ce sujet. La population augmente et les moyens économiques diminuent de jour en jour.

Evidemment, parallèlement aux problèmes énumérés plus haut, il y en a d’autres qui ne sont pas moins récurrents et qui sont susceptibles d’altérer la bonne tenue du logement en Haïti. En effet, si en Europe par exemple, certains se plaignent pour le coût de l’énergie du chauffage quand il fait froid, chez nous, la chaleur qu’il fait quotidiennement exigerait plusieurs ventilateurs dans chaque logement. Mais la majorité n’est pas à même de se l’offrir. Mais encore revient le problème de l’électricité pour la minorité pouvant se le procurer.

Heureusement, l’haïtien est particulièrement caractérisé par une force de vivre, animé d’un sentiment d’espoir et d’espérance le portant à croire fermement qu’un jour cela changera, que le demain sera mieux que l’aujourd’hui et que par-dessus tout, la vie vaut la peine d’être vécue.

5 mai 2017,

Isaac Louis Beaujour, pour la FHRD

Coordonateur des villages